3 Leçons de réalisme sensible, avec Rosa Bonheur

J’ai parcouru l’exposition «Rosa Bonheur (1822-1899)» avec le sentiment de chaleur intérieure et de densité. Une peinture simple et pleine, impressionnante de justesse et de savoir faire, sans une trace d’esbroufe et ce malgré la virtuosité évidente de l’oeuvre. Une peinture qui tient toutes ses promesses de vérité poétique et de réalisme sensible.

Et il n’y a pas de «Mais» , car c’est une véritable fête de la vie que cette peinture, communicative, généreuse, enchanteresse!

Les explications des commissaires de l’exposition nous rappellent quelques points essentiels, le plus important étant la détermination et le talent d’une femme du XIXéme siècle, à s’imposer dans un monde si masculin. Je vous laisse imaginer la force que cela a dû demander. Théophile Gauthier a dit d’elle, dans un grand élan d’admiration et de générosité: «Nous avons toujours professé une sincère estime pour le talent de mademoiselle Rosa Bonheur. Avec elle nul besoin de galanterie, elle fait de l’art sérieusement et on peut la traiter en homme. La peinture n’est pas pour elle une variété de broderie au petit point».  Le décor est planté.

Je voudrais essayer dans ce court article, de regarder cette peinture de plus prés. Quel était son protocole?

On peut dire que Rosa Bonheur était une peintre classique au sens le plus noble du terme. Tout en jouant avec les «codes», notamment du coté des sujets, des formats et des compositions, elle incarne résolument une continuité exigeante du réalisme des matières. On trouvera dans cette peinture des représentations très personnelles de la peau, de la fourrure, du bois, de la végétation, du ciel, de la terre, de l’eau, de la lumière, etc. Je pense que cette vérité et ce réalisme intuitif et maîtrisé, passé par des mains en or, comme celles de Mme Bonheur, continueront toujours à nous émouvoir.

Mais comment faisait – elle?

Je pense que la condition en préambule de tout, est le soutien qu’une artiste en puissance peut recevoir de ses parents. Le décès de la maman de Rosa (c’est ainsi que Marie-Rosalie fut surnommée par celle qui lui donna la vie, nom que la peintre choisira pour rentrer dans l’histoire), marquera durablement la fille de 11 ans.

La recherche du caractère spirituel et lumineux dans les êtres authentiques que sont les animaux, était à mon sens un moyen de rester en contact avec sa mère.  

1 Dessin, dessin, dessin!

Avant tout il y a le dessin.  C’est le solfège de l’art de la peinture. Dans l’atelier paternel, la petite Marie-Rosalie va pratiquer le dessin dés l’âge tendre et très vite , elle va s’ intéresser aux animaux.  C’est sa mère qui lui soufflera indirectement l’idée, par un apprentissage judicieux des lettres , associés à des dessins d’animaux. Tous les enfants Bonheur dessinent, le papa, Raymond est peintre. Il prendra en charge sa formation artistique et restera son unique professeur.

Alors Rosa dessine les animaux d’après nature et les aime profondément, convaincue qu’ils ont une âme,  concept novateur à l’époque.

Elle pratique le dessin quotidiennement. Études de corps et de têtes de chevaux, serres, biches, chiens, renards, sangliers et même lions. Elle aura la possibilité de peindre et dessiner des bisons américains ou des chevaux Appaloosa grâce au colonel William F. Cody, alias Buffalo Bill, venu faire son Wild West Show à Paris (1889, Exposition universelle) . Il en résultera une amitié sincère et un portrait célèbre de l’aventurier- businessman.

2 Rendre palpable son sujet  

Rosa bonheur commence à sculpter les animaux, en plâtre notamment, apprenant ainsi à les voir de tous les cotés. L’idée est de comprendre pleinement la forme en en assimilant la dimension d’objet, avec une morphologie et un relief particuliers.

Il s’agit de sortir du carcan des deux dimensions, afin d’ajouter ce petit plus de volume lumineux qui a rendu ses animaux mondialement célèbres pour leur véracité sensible. En combinant le dessin morphologique, le volume sculpté et ses convictions profondes liées à la cause animale, Rosa Bonheur peindra de véritables portraits d’animaux, aux expressions incarnés et au caractère unique.

3 Le protocole artisanal

En visitant l’exposition du musée d’Orsay, j’ai eu la joie de découvrir des tableaux à différents degrés de finition, dont un «Marché aux chevaux» de grand format, resté à l’état d’ébauche au fusain sur toile, avec seulement des lignes de force et quelques volumes sommaires. Je me suis alors dit humblement que j’étais bien inspiré d’enseigner le même protocole à mes élèves en peinture et pas toujours bien inspiré de m’y soustraire souvent, à titre personnel. Leçon retenue, merci Madame!

Ce protocole est le suivant et pourrait se résumer en trois étapes:

1 La construction au fusain, avec effacement partiel. Traçage des contours à la peinture et médium maigre (térébenthine le plus souvent), afin d’obtenir des périmètres bien définies, de mises en couleur.

2 Colorisation et modelés sur l’ensemble de la peinture, en tachant d’être le plus global possible sur l’espace peint. Chacune de ces étapes peut faire l’objet d’une ou plusieurs couches de peinture, dans un système de «glacis».

3 Finition. C’est l’étape la plus mystérieuse et peut-être la  plus personnelle. C’est durant cette étape que les qualités de différentes présences se décident. Ce n’est pas seulement peindre le détail, c’est surtout quels détails peindre. Dans le cas de Rosa, nous sommes dans un classicisme subtil, les premiers plans sont nets, lumineux et contrastés, alors qu’un flou brumeux gagne les arrières plans, avec une progression subtile. Cela donne une perspective atmosphérique, entre acuité délicate du premier plan et une grande profondeur de champ pour les arrières plans.

Rosa Bonheur a enseigné ce protocole à «L’Ecole Impériale gratuite de dessin pour jeunes filles».

Elle était une des plus grandes peintres du XIXème siècle, à sa façon, avec tendresse, spiritualité, opiniâtreté et travail. Et le siècle ne manquait pas de concurrence, ce fut le plus grand siècle de la peinture.

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