L’aquarelle d’après photos

Aujourd’hui, les peintres, les dessinateurs et les aquarellistes utilisent souvent la photographie pour y puiser les sujet de leurs oeuvres. En effet, quand on aime le paysages, c’est parfois compliqué d’aller peindre en extérieur, surtout en ville où résident la majorité d’entre nous.

Michel Perot, Après le pont de l’Europe.

Personnellement il m’est souvent arrivé des désillusions en travaillant d’après des photos, et longtemps je n’ai pas bien cerné les raisons de ces échecs très frustrants. Pourtant, je n’ai pas ménagé ma peine, mais l’ensemble semble laborieux, on n’a pas une belle impression d’ensemble comme sur la photo… Ca ne sonne pas juste.

Aquarelle de Ian Stewart. Une vision de la circulation urbaine qui tire pleinement parti des possibilités de l’aquarelle.

 Et vous, n’avez-vous pas déjà ressenti cette déceptions après vous être attaqué à des sujets photographiques? C’est tellement frustrant, et ça semble tellement injuste. Et pourtant, avec d’autres photos, tout se passe très bien, du moins en apparence. Pourquoi l’aquarelle d’après photo semble-t-elle si aléatoire? A quoi cela tient-il, ce manque fréquent de fraicheur, de spontanéité, de simplicité?

Si vous avez travaillé sur le motif, vous avez pu voir que les difficultés sont tout à fait différentes. On est dans l’urgence, c’est plus dur de trouver un système de couleurs, de faire une composition, de trouver une unité dans la composition… 

Etonnamment, les aquarelles faites d’après photos ne semblent pas souffrir des mêmes défauts. Elles ont tendance surtout à sembler un peu plates, surchargées, avec moins d’éclat, un peu fades, laborieuses. Et souvent, c’est difficile de savoir ce qu’on n’a pas bien fait alors qu’on pensait bien maîtriser, d’où souvent une grande frustration, n’est-ce pas?

Pour enquêter, remontons à la source.

Tout d’abord, la photo: n’y a-t-il pas une ambiguité à en faire un sujet? Hé oui, la photo est à la fois une oeuvre (prendre une photo, c’est un travail d’artiste) et un document. C’est difficile de ne pas la considérer, même inconsciemment, comme une oeuvre déjà achevée qu’il suffit de copier.

Ensuite, l’aquarelle. C’est une matière qui permet de représenter.  On utilise la matière liquide de l’aquarelle pour créer une oeuvre. Une aquarelle, c’est un ensemble de flaques de lavis coloré qui, agencées en un certain ordre, vont créer une illusion ou une impression. L’aquarelle tire son succès de l’idée de fragilité, de subtilité, de fugace, d’immédiateté, de fraîcheur, de transparence qu’elle véhicule. Etant moins douée pour l’illusion qu’un médium come la peinture à l’huile, elle l’est plus pour l’évocation et la poésie.

James Abot Mcneill Whistler. Des flaques d’aquarelles qui  fondent et s’interpénètrent sur un papier humide.

 Ainsi, il y a certaines choses que l’aquarelle va très bien faire (la perspective atmosphérique, des monuments, des plans de profondeurs multiples, des ciels, de l’eau, des reflets  par exemple) et d’autres choses qui seront beaucoup plus délicates et laborieuses à rendre (les détails de modelés comme un drapé compliqué, des graphismes ultra détaillés comme une toile d’araigné, des nuances très fines et très variées de couleurs). Mais surtout, l’aquarelle excelle à donner le sentiment du fugace, de l’instant, parfois de l’urgence. Il serait donc logique d’amener l’intérêt du sujet vers ce que l’aquarelle sait bien faire, et non vouloir absolument la faire coler à la photographie, ne trouvez-vous pas?

L’aquarelle est en effet un art du spontané et de la simplification. A l’aquarelle, simplifier, c’est indispensable et c’est une science. Et cet art, on l’acquiert notamment en allant peindre d’après la réalité.  La pratique in situ crée une urgence et une ouverture face au sujet qu’on ne peut avoir autrement.  Une pratique régulière en extérieur vous permettra de ne pas vous laisser enfermer par un document photo en atelier.

Marine par Richard Parkes Bonington. L’aquarelle est peinte directement au pinceau, sans doute exécutée sur le motif, peut-être à bord d’un autre navire.

Ensuite, pour simplifier vous devrez accorder plus d’importance à certaines choses et moins d’importance à d’autres. Pour cela, vous devrez identifier,  au travers du document, quel est le vrai sujet, le véritable enjeux, l’objet de l’émotion que vous avez ressentie et que vous voulez transmettre. Séparez bien le document d’une part, et l’idée de votre sujet d’autre part, les deux doivent être bien distincts.

Souvent on se rend compte que le problème vient de ce qu’on a trop voulu imiter la photo. Cela peut s’éviter si on prend le temps au préalable d’identifier l’idée du sujet par rapport à la photo. Distinguez bien le document photo et l’idée du sujet qui sera à matérialiser par une dessin, une étude préalable. Travaillez donc en plusieurs étapes avec croquis et première esquisse à l’aquarelle, il n’y aura pas d’oeuvre sans distanciation poétique. N’hésitez pas à écrire vos intentions sur le sujet et sur l’exécution. Plus le travail aura été préparé en amont, plus il sera fluide lors de l’exécution proprement dite.

Pendant cette phase préparatoire, n’hésitez pas à modifier: retaillez,  redessinez, recadrez, ajouter, retranchez. N’ayez pas peur de trahir le document, c’est l’idée du sujet qui compte. Ce ne sera pas difficile si vous avez bien dégagé les vrais enjeux. Dynamisez la composition, travaillez les axes principaux afin de faire circuler le regard, utilisez les obliques.

Jean-Louis Morelle. Le point focal du sujet est complètement décentré en haut à gauche du cadre, créant un effet de surprise.

Etablissez à l’avance une palette simple basée sur des rapports de complémentaires. Ne soyez pas trop ambitieux et allez à l’essentiel en planifiant ce qui sera simplifié, détaillé ou carrément supprimé.

Pendant l’exécution, variez les écritures et le rapport aux détails. Sachez à l’avance les zones de phocus, les zones moyennes en détail et les zones de repos.

Chien Chung-Wei. Les détails sont absorbés par l’ensemble, mais ne disparaissent pas tout à fait. 

Il faudra enfin déjouer les pièges inhérents à la photo, ne pas aller là où elle vous entraîne, c’est à dire vers la simple reproduction. Attention aux contrastes trop forts, aux ombres trop noires ou grises de la photo, à la couleur souvent assez pauvre. Ménagez des zones de repos simples grâce à des lavis plus ou moins transparent. Organisez un chromatisme efficace, tirez partie des transparences et des réserves. Ne revenez pas sur vos lavis, respectez la décantation du pigment. Laissez l’eau faire au maximum. la transfiguration se fera par l’eau.

Avec l’aquarelle, il peut donc sembler à première vue que travailler d’après des photographies soit plus facile que de travailler d’après la nature. Ce n’est vrai qu’en apparence, car il faut beaucoup de science de l’aquarelle d’après nature pour déjouer les pièges de la photographie. La photo, en effet , ne vous donnera pas une partition à interpréter sans un vrai travail préalable sur le sujet. C’est une approche qui consiste à se demander d’emblée comment on va pouvoir faire apparaître sur le papier quelquechose de spécial, qui n’appartienne qu’à l’aquarelle. Avant tout sujet, revenez à l’aquarelle, c’est elle qui compte. Pourquoi l’aimez-vous? Pourquoi la pratiquez-vous?  Que préférez-vous en elle au fond? Comment allez vous pouvoir obtenir ça?

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