Réussir ses lointains à l’aquarelle

Il ne vous est jamais arrivé, en peignant un paysage atmosphérique à l’aquarelle, d’être ensuite déçu.e par une vague impression de platitude? Cette impression de papier peint… De manque de profondeur. En un mot, on n’entre pas dans le paysage. 

La façon dont vous aurez réalisé vos confins, cette clé du paysage atmosphérique, peut expliquer ce manque. 

Alexandre Ivanov

Les confins du paysage, c’est cette zone la plus éloignée dans l’espace du paysage qui fait le passage, la jonction entre le ciel et la terre. C’est la zone de la ligne d’horizon.

Dans un paysage de type atmosphérique, le ciel et la profondeur de l’espace sont particulièrement mis en valeur. Le sujet n’est souvent pas donné par un premier plan fort mais réside d’abord dans une relation entre le ciel et la terre (ou la mer), et une articulation entre les différents plans de profondeur qui rythment l’espace terrestre ou marin.

Ainsi, l’enjeu de la composition réside dans un effet de profondeur, d’immensité et de dialogue entre le ciel et la terre (ou la mer)

C’est ce type de paysage qui a été beaucoup développé entre le 18è s et le 19è s, avec la vogue des vedute, puis les paysages romantiques de l’immensité, du sublime, par exemple chez Caspar D Friedrich.

L’aquarelle est une technique formidable qui a été beaucoup utilisée pour sa capacité à rendre la transparence atmosphérique ainsi que les modulations infimes qui caractérisent les lointains des paysages. 

Ces confins (ou lointains) sont très importants et il est crucial d’y accorder une grande attention pour pouvoir exprimer la très grande distance voire l’infini de la ligne d’horizon. C’est cela qui crée cette aspiration vers le lointain, objet de rêverie et de désirs profonds d’ailleurs.

thomas Girtin, Dumbarton Rock and Castle

S’ils mènent vers l’ailleurs, les lointains sont dans le tableau un passage entre la terre et le ciel. A la jonction de ces deux espaces, il y a en lui et de la terre et du ciel.

Il faudra donc voir d’abord comment peindre le ciel à l’aquarelle avant de poser ensuite l’espace terrestre et son confin.

Peindre les ciels à l’aquarelle

Traditionnellement, on commence par poser les lavis du ciel. Au 18è et au 19ès, on faisait plutôt des ciels très clairs qu’on modulait en 2 couches ou plus avec des dégradés très fins réalisés avec des peaux de chamois. Mais des peintres comme Girtin et Turner au début du 19è ont commencé à peindre avec plus de fraîcheur et moins de couches. On voit alors apparaître des ciels faits en une seule couche (un seul cycle de l’eau, pas de séchage intermédiaire) les modulations étant faites dans l’humide. Cette méthode s’est progressivement imposée et fait aujourd’hui à peu près l’unanimité.

Moduler le ciel

Le ciel et sa transparence seront cruciaux pour donner une bonne impression de profondeur.

David Cox, En allant à la prairie

l’éclat du ciel et sa profondeur viendront de la façon dont vous allez  moduler ce dernier. Le ciel également a ses premiers plans et ses arrière plans.

 Perspective atmosphérique du ciel

C’est la différence de valeurs et de couleurs entre le haut du ciel, la zone la plus proche, et le bas du ciel, la zone du confin du ciel.

Haut du ciel: valeur plus forte, bleu plus violet, gris plus chaud (nuages)

Bas du ciel (confin): valeur légère, bleu froid voire jaune.

Palette réduite

Faire le ciel en 1 seul cycle humide (couche) demande de l’anticipation et des essais préalables afin que vous soyez sûr de votre processus et du tempo avec lequel il  sera mené.. 

Choisissez une palette simple. Pas plus de trois pigments seront nécessaires. en général, vous devez trouver les tons pour:

  • Les gris des nuages et des voiles.
  • Les blancs des nuages. (d’une couleur souvent légèrement chaude ou rosée par beau temps)
  • Les bleus du ciel et ses modulations (la couleur change vers l’horizon et la valeur devient plus claire. Anticipez cela)

Fluidité

Trouvez l’équilibre entre fusions et arêtes nettes (sur le haut des nuages). Simplifiez.  Laisser l’eau créer les matières. Processus à répéter au préalable sur un autre papier. Jouer avec les réserves de blanc.

De nombreux aquarellistes fusionnent les nuages au ciel par leur base pour rendre le ciel plus fluide.

Points clés d’un ciel à l’aquarelle

  • Peindre le ciel dans la bonne valeur. C’est délicat, car rien n’est encore posé. Anticipez le fait que l’aquarelle pâlit en séchant. Le reste se fera en fonction de la valeur que  vous allez donner au ciel. Si la valeur du ciel est plutôt forte, il faudra que l’espace terrestre soit peint en fonction, dans des valeurs plutôt relevées qui correspondront.  Et inversement.
  •  Créez un dynamisme grâce à: 1/ obliques dans le haut du ciel, horizontales dans le confin du ciel, 2/ différence de valeur droite gauche.
James Abbott Mcneill Whistler, Westgate
  • Ne pas trop en faire. Préférez la simplicité aux effets savants.

Peindre les lointains à l’aquarelle

La précision

Il faut être précis sur les confins, même si on est concis. Apportez un soin particulier à tout ce qui se découpe sur le ciel. Créez des réserves dans la description des masses  afin de suggérer une matière, une description.

Ces réserves doivent être extrêmement fines et précises, comme tout ce qui touche aux confins.

Construire en 2 couches

En général, une construction des zones de confins en 2 couches permet d’avoir la finesse nécessaire pour évoquer une présence au loin (ville, forêt, plaine, mer…)

Légèreté et perspective atmosphérique

Plus c’est lointain, plus c’est léger. Anticipez dès la première couche que vous allez poser une deuxième.Dès la première couche, vous devez avoir une gradation des valeurs et des couleurs du premier plan jusque vers la ligne d’horizon.

Premier plan: valeurs fortes plus fortes (contrastes), couleurs à tendance plus vives et chaudes.

Confins: peu de contrastes, valeurs faibles, couleurs peu vives voire grisées, jusqu’au bleu gris violet sur l’horizon.

Francis Town

Faire monter les confins en même temps que les premiers plans

Vous ferez donc monter les valeurs dans les confins en même temps que vous montez les valeurs dans le reste du paysage. Il est très important de garder une progression équilibrée de l’ensemble. En première couche, posez les premiers plans et les confins avec les différences de valeurs et de couleurs qui conviennent en fonction de la perspective atmosphérique.

En 2ème couche, même schéma d’ensemble, en commençant par les confins et en descendant vers les 1ers plans.

Par ailleurs, il y a en général plusieurs plans de profondeur dans le confin lui-même. Plus vous anticipez cela dans la construction, meilleur est votre confin.

Les fondus dans les confins

 Il y a des chances pour que ce soit trop décrit alors qu’on désire un presque rien, une évocation pour exprimer la distance immense de la profondeur. Tout de suite après décrit, dans le même temps, sans attendre que le lavis sèche, vous pouvez ensuite créer des fondus comme si vous alliez effacer ce que vous avez d’abord décrit, mais vous gardez une évocation, un reliquat, de cette description.

Lamplough, Coucher de soleil sur le Nil

Ainsi on décrit d’abord, puis on refond pour obtenir un effet d’évocation, celui qu’on vise à obtenir  pour suggérer l’éloignement du confin.

Les harmonies de couleur

Pour avoir un maximum de légèreté, la deuxième couche devra jouer en transparence sur la 1ère couche et non en sur-imposition. Par exemple, pour avoir un gris-vert en 2è couche (forêt)  sur un jaune vert en 1ère couche (plaine) vous poserez non pas un gris mais un bleu-violet, qui en transparence s’associera au jaune du vert pour donner un gris vert par effet de complémentarité de couleur.

Johann Heinrich von Schilbach, La côte amalfitaine

Ceci est valable en général en aquarelle mais est particulièrement important dans les confins pour obtenir la finesse et la transparence nécessaires.

Réussir les zones lointaines dans vos paysages est donc une clé pour donner à ceux-ci cette échappée vers le lointain qui porte d’emblée à la rêverie et convoque l’imaginaire. L’effet atmosphérique, en même temps qu’il produit un puissant effet de réalité, permet en même temps au regardeur de se libérer de la pesanteur de celle-ci. L’art permet de servir la réalité pour mieux s’en échapper. On retrouve cette poétique dans d’autres cultures que la nôtre.

peinture à l'encre chinoise paysage atmosphérique
Hsia Kouei. Paysage. Chine, vers 1200. Sur soie. H. 33 cm.

La peinture chinoise, par exemple, a inventé la profondeur atmosphérique bien avant la peinture occidentale. 

Le collectif développe actuellement un projet de formation en ligne

Vous habitez trop loin ou vos horaires vous empêchent de  suivre des cours avec le collectif ? Vous souhaitez apprendre à votre rythme et bénéficier de notre pédagogie ?

laissez nous vos coordonnées, on vous tient au courant rapidement !

RESTONS EN CONTACT